Bref, je me suis faite remplacée par une IA…
Il fut un temps où je passais des heures à restaurer de vieilles photographies. C’était un travail minutieux, demandant patience et technique. Chaque cliché abîmé était un puzzle à reconstruire, une immersion dans le passé, une résurrection d’instants figés par le temps. J’aimais cette activité : elle m’apportait à la fois un défi technique et une connexion intime avec l’Histoire, à travers les histoires personnelles des familles qui me confiaient ces trésors du passé.
Et puis, un jour, l’IA est arrivée.
En quelques secondes, ces technologies étaient capables de restaurer des images avec une qualité impressionnante. Pas besoin de connaissances en retouche photo, pas besoin de longues heures de travail : quelques clics suffisaient. Là où je devais m’armer de patience et de techniques avancées, une intelligence artificielle déroulait son algorithme et obtenait un résultat parfois meilleur que le mien. Ainsi, je me suis modestement fait remplacer par une machine.
La Troisième Révolution Industrielle : risques ou opportunités ?
L’histoire de l’IA dans la restauration photo n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Nous vivons une véritable troisième révolution industrielle, où l’intelligence artificielle redessine nos métiers, nos habitudes et notre rapport au travail. J’utilise au quotidien des IA dans mon travail, en veillant à y mettre des garde-fous, notamment sur la protection des données. Les IA m’offrent un gain de temps incroyable, et pourtant, ma vocation étant l’accompagnement aux transitions professionnelles des publics vulnérables, je ne peux que m’interroger sur les adaptations rapides qu’il nous faudra opérer pour en faire de merveilleux outils d’inclusion, et non d’exclusion.
J’y vois de nombreux avantages :
- Automatisation des tâches fastidieuses : L’IA permet d’accélérer des processus qui étaient autrefois très chronophages, libérant ainsi du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée. La formation des collaborateurs à l’utilisation des IA, notamment conversationnelle, vont contribuer à cette efficience.
- Démocratisation des compétences : Ces outils rendent accessibles des savoir-faire autrefois réservés à des experts. Une fois plus, l’analyse critique permet de prendre du recul et de rester vigilants sur le fait de ne pas se reposer essentiellement sur les IA.
- Nouvelles possibilités créatives : L’intelligence artificielle ouvre des perspectives inédites, notamment dans la création artistique, l’optimisation des processus industriels et l’amélioration des soins médicaux.
Mais cette révolution n’est pas sans risques :
- Disparition de certaines catégories d’emploi : De nombreux emplois traditionnels disparaissent ou sont redéfinis, menaçant certains secteurs d’activité et posant la question de la reconversion professionnelle. Chaque révolution industrielle amène son lot de transfert d’emploi. En tant que professionnelle de l’insertion, je suis particulièrement sensible à ce sujet, craignant de voir exclure du marché de l’emploi des publics les moins qualifiés, remplacés par des machines.
- Déshumanisation et perte du savoir-faire : Lorsqu’une machine réalise une tâche mieux et plus vite qu’un humain, que devient l’expertise humaine ? Une société où l’on ne prend plus le temps d’apprendre et de maîtriser un art est-elle une société qui s’appauvrit culturellement ? Je compare souvent mon usage de l’IA à un repas dans un fast food : de la consommation d’informations riche et rapide, pour laquelle mon cerveau n’a plus d’effort à fournir… Et si mon cerveau devenait obèse ?!
- Cadre éthique et limites à définir : L’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions éthiques, notamment en matière de manipulation des images, de désinformation et de respect de la vie privée. Nous avons un rôle capital dans l’éducation à l’usage numérique pour nos jeunes générations. J’ai découvert une initiative géniale : COGITO. Cette formation montre l’importance de s’engager pleinement dans ces réflexions, en tant que citoyen, en tant que parent.
- Et l’écologie alors ?! L’IA, c’est comme un sac plastique. C’est bien pratique, mais c’est vraiment pas écologique. A l’éthique sociétale s’associe l’éthique environnementale. L’IA peut vite devenir addictif : aussi, je m’efforce à en faire un usage raisonné.
Trouver un équilibre : vers un usage raisonné de l’IA
Loin de moi l’idée de rejeter en bloc cette avancée technologique. Au contraire, je crois qu’il est essentiel d’apprendre à cohabiter avec l’IA et à l’utiliser comme un outil plutôt que comme un substitut total aux compétences humaines.
Il est crucial d’instaurer un cadre éthique pour limiter les dérives et garantir une utilisation responsable de ces technologies. Cela passe par la régulation de leur emploi, l’éducation à leurs enjeux et l’adaptation de nos formations professionnelles à ce nouveau paradigme.
Finalement, si l’IA m’a remplacé dans la restauration de photos, elle ne pourra jamais remplacer la passion, l’histoire et l’émotion qui animaient mon travail. Peut-être devons-nous voir ces avancées non comme une menace, mais comme une invitation à redéfinir nos rôles et à explorer de nouvelles voies créatives.
Et si l’IA nous obligeait simplement à réinventer notre place dans le monde du travail, à chercher au-delà de la simple exécution technique pour retrouver ce qui fait notre essence profonde : la créativité, l’ingéniosité et l’émotion humaine ?